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A la Fondation Vuitton, le pop art ou l’art d’un nouveau réalisme

Intituler une exposition « Pop Forever » – « le pop pour toujours » – peut paraître excessif. Cette notion, le pop, serait-elle donc intemporelle ? Ou, du moins, faut-il lui prêter une longévité séculaire ? Au-delà de l’effet d’affichage, sans nuance, devrait-elle prendre place parmi les catégories dont l’histoire de l’art et l’esthétique se sont longtemps délectées, telles que classique ou baroque ? Pour pouvoir en juger, encore faut-il commencer par définir ce pop art, ses principes, ses fins, ses moyens.
Ce qui n’est guère difficile tant apparaissent plusieurs caractéristiques des diverses manifestations pop depuis un peu plus d’une soixantaine d’années en de nombreux lieux. On appellera donc « pop art » l’ensemble des représentations artistiques de la vie contemporaine telle qu’elle a été révolutionnée par les innombrables progrès scientifiques, techniques et industriels dont le numérique n’est que le plus récent. Le pop art est, autrement dit, le réalisme de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe.
Comme il y a eu un réalisme pictural de la vie quotidienne en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, dans les Flandres et en France au XVIIe siècle (Caravage, Velazquez, Vermeer, les frères Le Nain, etc.), et comme il y en a eu un deuxième au XIXe dans l’ensemble de l’Europe (Courbet, Manet, Menzel, etc.), un nouveau réalisme est apparu et s’est généralisé après la seconde guerre mondiale et c’est celui-ci que l’on a pris l’habitude de désigner par ce petit mot de trois lettres. Il a d’abord été employé dans le champ de la création visuelle avant d’être repris par la création et l’industrie musicales, au risque de créer bien des confusions. Le « Pop Forever » affiché sur la Fondation Vuitton ne concerne ni les Rolling Stones ni David Bowie, mais Andy Warhol et ses contemporains, dont Tom Wesselmann (1931-2004) est ici la figure centrale.
Entre les trois manifestations de réalisme citées, existe une différence évidente. Les deux premières sont essentiellement picturales et la troisième ne l’est pas uniformément et, plus souvent, procède autrement, par le collage, l’assemblage, le ready-made. Elle se sert de l’électricité et de procédés de reproduction à base de photographie. Elle inclut le son de la radio et l’écran de la télévision.
Entre une nature morte à l’huile sur toile ou sur bois des Hollandais Willem Kalf ou Pieter Claesz, exécutée avec une maîtrise de la lumière passant à travers un verre ou glissant sur une faïence, et une nature morte de Wesselmann – qui a beaucoup cultivé ce genre –, la comparaison peut surprendre. Si ce n’est que Kalf ou Claesz réunissent dans leurs compositions des objets, des coquillages ou des fruits qui, pour leur époque, signifient le luxe, l’exotisme et la circulation des marchandises ; et que Wesselmann réunit des objets réels ou figurés tels que serviettes de bain, boîtes de conserve et transistors qui, pour son époque, signifient le confort, la consommation et le flux des nouvelles et de la publicité. Ils font donc le même travail, qui est d’arranger sur une surface plane ou en bas-relief des échantillons représentatifs des sociétés dans lesquelles ils vivent, que ce soit à Paris et à Amsterdam pour Kalf ou à New York pour Wesselmann trois siècles plus tard.
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